Jean-Pierre Ferrini
À Belleville
Avec huit photographies de
François-Xavier Bouchart
2021. 128 p. 14/19.
ISBN 978.2.86853.670.9
16,00 €
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Le livre
«On doit s’aligner. Mon Belleville ne regrette rien, n’a plus grand chose à regretter. En 1993, le dernier cri du vitrier expirait. Un paradoxe tenace voudrait pourtant que Belleville demeure Belleville et on finira peut-être par détruire ce qui a détruit Belleville en retrouvant des lois plus organiques. Après la Seconde Guerre mondiale, l’heure était à la reconstruction. On manquait d’hygiène, l’environnement était insalubre, les ravages de l’industrialisation, du charbon noircissaient les villes. D’où les luttes. Il fallait loger, loger une population en perpétuelle expansion. La planification familiale primait. Le confort dictait les règles, commençait à isoler, séparer, individualiser les solidarités collectives.»
Pendant une journée (matin, midi, après-midi et soir), on suit un narrateur qui déambule, arpente Belleville où il vit depuis plus de vingt-cinq ans. À travers son regard, quotidien, ordinaire, quelque chose se dit de lui-même et de ce quartier de l’Est parisien, raconte une histoire qui se lit dans les interstices urbains ou les différentes strates archéologiques qui composent aujourd’hui Belleville.
L’auteur
Jean-Pierre Ferrini est né le 23 mai 1963 à Besançon. Il est notamment l’auteur de Dante et Beckett (Hermann, 2003), dans la collection «L’un et l’autre», chez Gallimard, de Bonjour monsieur Courbet (2007) et Le pays de Pavese (2009), ou de Un voyage en Italie (Arléa, 2013). Il a également donné à nos éditions en 2016 Le grand poème de l’Iran ainsi que Et in Arcadia ego en 2019. Par ailleurs, depuis quelques années, il collabore régulièrement à la Quinzaine littéraire.
Extrait
Il existe plusieurs Belleville, historique, géographique et les appartenances sociales sont diverses. Entre le voisin du premier étage qui n’a quasiment pas bougé de la rue de la Villette depuis 1939, Momo, qui tient l’épicerie kabyle à l’angle de la rue Fessart et le patron du Trentenaire, le café à l’angle de la rue des Solitaires, trois mondes, trois Belleville cohabitent. Les quartiers délimitent encore des zones bien distinctes entre elles. Il y a des endroits où je ne vais jamais, où je ne fais que passer. Les guides répètent que Belleville était une commune rurale avant son annexion à Paris en 1860, avec des vignes sur les coteaux de la Courtille et des cabarets, des guinguettes. La chronique, qui se nourrit d’images d’Épinal, est inépuisable. La répartition administrative qui sépare la rue de Belleville (l’artère principale) en deux arrondissements, le XIXe (côté impair) et le XXe (côté pair), a été une volonté politique haussmannienne afin de diviser une population ouvrière contestataire. Puis, de laborieuse, de communiste et de communarde, Belleville au début du XXe siècle devint hospitalière avec les nombreuses vagues d’immigrations : Italiens, Espagnols, Portugais, Juifs ashkénazes, Arméniens, Grecs, Juifs séfarades, Kabyles, Maghrébins, Africains, «Arabes», une mer Méditerranée, Asiatiques, «Chinois», Cambodgiens, Vietnamiens, Wenzhou de Chine méridionale, Dongbei de la Chine du Nord… Les frontières sont mal définies…
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