Denis Montebello
La maison de la Gaieté
Récit
2017. 88 p. 14/19.
ISBN 978.2.86853.618.1
14,00 €
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Le livre
«De 1937 à 1952, Ismaël et Guy Villéger ont recueilli un million de cassons de vaisselle. Sans savoir au début de quel puzzle ils seraient les pièces, quel décor ils inventeraient. Pour le restaurant, les façades sur rue, sur cour, pour le jardin. Pour la grande salle à manger, et pour les pièces à vivre. Même s’il n’y a personne pour y vivre. Aucun candidat au rachat. Les âmes du purgatoire ont beau solliciter nos suffrages.»
Denis Montebello a découvert par hasard la maison de la Gaieté. Il visite ici, avec le souci de le comprendre, cet infime monument, modeste chef-d’œuvre de l’art populaire, conçu et réalisé par un aubergiste avec l’aide de son fils, au bord de la route dans un village de Charente-Maritime. Il le regarde comme une invitation aux joies du partage entre vivants et célèbre l’inventivité de ces deux poètes qui «traduisent un texte dont ils ont oublié l’original».
L’auteur
Né en 1951 à Épinal, Denis Montebello vit à La Rochelle. Il est l’auteur d’une quinzaine de livres parus pour la plupart chez Fayard, aux éditions en ligne publie.net et au Temps qu’il fait (Bleu cerise, 1995; Fouaces et autres viandes célestes, 2004; Couteau suisse, 2005; Le diable, l’assaisonnement, 2007; Tous les deux comme trois frères, 2012; Aller au menu, 2015). Auteur de récits et de romans, il procède en archéologue du présent. Mais le poète qu’il est cherche aussi la preuve par l’étymologie.
Extrait
Si la gaieté est licence, c’est licence III (licence restreinte). C’est la loi, et dans la mosaïque.
Ismaël et Guy Villéger ne font pas seulement du neuf avec du vieux, ils fabriquent de la vie. La vie du village, on l’a vue passer avec la noce. On la retrouve ici, et en plus léger. Des crises, ils ne gardent que la vaisselle cassée, de nouveaux éclats pour décorer la façade. Redonner à la vie ses couleurs, et pourquoi pas du sens. Sont-ils, comme nous le répètent sur tous les tons les fleurs dont ils ont parsemé leur Maison, d’incorrigibles optimistes ? Des magiciens capables de faire surgir la beauté là où on l’attend le moins, dans le quotidien le plus morne ? Des créateurs d’utopie ? Ici c’est Jean Gabin qui chante : «Quand on s’promène au bord de l’eau». Ce n’était pas la peine, je sais très bien comment se termine La Belle équipe. Et le Front Populaire.
Descendu de mon rêve (interdit de jardin), je me demande si ces fragments constituent une œuvre. S’ils composent seulement un paysage.
Qu’est-ce qu’ils signent, alors, nos deux artistes ? Imitent-ils Pierre Loti avec leur maison ? Ou les peintres qui se représentent dans leur tableau, peignant dans leur jardin ou en forêt «sur le motif» ? Se mettent-ils dans la peau du touriste qui laisse une trace de sa visite, de son passage sur terre, son nom gravé dans la pierre ? Signent-ils leur arrêt de mort ? Avec ces fleurs coupées où je reconnais les dahlias, les zinnias que ma tante portait au cimetière. Sont-ils déjà dans la tombe, pour habiter ainsi leur nom ? Est-ce qu’en l’anticipant, ils ne chercheraient pas au contraire à l’éloigner, à la conjurer ?
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