Parution Octobre 2018


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Lamia Berrada-Berca
Et vivre, Beckett ?


Essai

2018. 136 p. 14/19.
ISBN 978.2.86853.647.1

16,00 €

Le livre

C’est à Tanger que Samuel Beckett (1906-1989) a passé la plupart des étés de sa vie, à partir de 1973. Et cette lettre qui lui est adressée peut se lire comme une invitation à arpenter librement les territoires mentaux d’un écrivain dont l’œuvre tout entière questionne la condition humaine, dans une ville où s’affronte la permanence du mythe et l’envers de la réalité.
C’est le sens de cette promenade, d’où naît une réflexion à bâtons rompus mêlant au parcours de l’homme son œuvre de créateur, et son engagement de résistant.
De l’hypothétique rencontre de Beckett avec un vieux Marocain nommé Moussa émerge ainsi, en miroir, un questionnement sur la place de l’individu, le rapport au langage, et le rapport au corps, qui fondent notre humanité, mais aussi le sens des libertés individuelles, de part et d’autre de la Méditerranée, entre un Occident menacé de déshumanisation, et des pays où le statut de l’individu demeure à construire…



L’auteur

Lamia Berrada-Berca a enseigné plusieurs années les Lettres Modernes en région parisienne, où elle animait, entre autres, des classes à projets artistiques. Née d’un père marocain et d’une mère française, elle déclare, comme Cioran, «habiter sa langue». Son écriture explore le thème de l’enfermement, le rapport à la mémoire et à l’espace, les métamorphoses et les failles minuscules qui se glissent dans l’espace de l’intime, mais également les enjeux qui fondent notre rapport à l’émancipation. Elle est l’auteure de sept romans publiés entre 2010 et 2017 — dont Kant et la petite robe rouge (La Cheminante), traduit en plusieurs langues, finaliste du Grand Prix des Cinq Continents et prix des Lycéens du salon de Villeneuve-sur-Lot; Une même nuit nous attend tous (La Cheminante), qui a reçu le prix de l’Association des Écrivains de Langue Française Maghreb-Afrique Méditerranéenne 2012; Guerres d’une vie ordinaire (Éditions du Sirocco, Casablanca), finaliste du prix Grand Atlas, et Au-dessus dansent les oiseaux (Éd. du Sirocco) paru en 2017.



Extrait

Au Maroc vous cherchez la lumière de ces choses qu’il devient possible de vivre si l’on a la grâce de savoir s’oublier, et dans le même temps vous découvrez cet espace béant qui vous oblige. Devoir être face au monde, face à soi-même, dans un moment qui n’est plus exclusivement celui de l’écriture, soudain. En se voyant terriblement présent. Douloureusement absent. Ou l’inverse, je ne sais pas. Vous serez, en somme, celui que vous êtes toujours.

Vous marcherez, vous serez dans le vent, dans la lumière. Vous serez dans une errance douce qui tire les choses vers l’avant, qui vous raconte un monde en mouvement. Détaché du point fixe de ce qui vous rattache sans cesse à ce désir obsédant : creuser le silence pour ressusciter l’envers des mots…
Vous serez cette image traversante sur la plage de Tanger, ou ce regard traversé par un horizon mer.

Giacometti, votre ami, avait sculpté l’homme qui marche, et pour moi, vous serez celui qui traverse. Les époques, les espaces, les silences. Vous traversez le monde d’un regard qui mesure avec une effrayante justesse ses injustices et sa violence. Vous êtes le métreur de l’absolu, et de l’être, quand votre père, métreur-vérificateur de métier, ne mesurait que des arpents de terre.
Où est l’homme, désormais ?

Votre regard le cherche, sur cette même terre, et l’attente est si vaine, si longue, que dans votre quête les mots se décomposent et se dissolvent dans la nuit…

Vous êtes l’homme qui traverse une rue de Tanger dans une insouciance lumineuse qui n’a rien de feint.

Et ce récit aussi sera celui d’une traversée…

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