Michel Arbatz
Z (Nativité)
Poème
2011. 40 p. 13/17.
ISBN 978.2.86853.569.6
6,00 €
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Le livre
Un poème inpiré à Michel Arbatz par l’étonnement radical d’un père devant l’événement le plus bouleversant qu’il lui ait été donné de vivre : la naissance de son enfant.
L’auteur
Michel Arbatz est né en 1949 à Paris. Il vit à Montpellier. Artiste de scène, il a réalisé une dizaine de spectacles, d’albums de chansons et mis en musique Desnos et Dubillard. Il a composé pour le cinéma et le théâtre (Lounguine, Gatti). Il est l’auteur, entre autres, de Rue de la Gaîté, une vie rêvée de Robert Desnos (Zigzags, 2000), Le moulin du Parolier (Jean-Pierre Huguet éd., 2001, 2011), Te fais pas de souci pour le mouron, préfacé par Nancy Huston (Christian Pirot, 2003), Retouver le Sud (poèmes & chansons, Jean-Pierre Huguet éd., 2006), Écrit sur le sable (poèmes, Encre et lumière, 2008). Il a donné à nos éditions en 2008 Le maître de l’oubli, son premier récit publié.
Extrait
Janvier se retourne
Et la porte s’ouvre
Les eaux, les eaux !
Nuit lente, nuit électrique
métal des minutes à t’attendre
Une guirlande est allumée
on a chauffé la chambre
Un radiateur emprunté, une bouilloire
On te donnait des noms
neuf mois durant
ne sachant rien de toi
ta voix, ta forme, tes couleurs
C’était comme caboter
deviner la côte jusqu’à ton estuaire
C’est là
Par le sang
tu t’annonces
Par l’eau,
par le battant des cloches
qui sonnent dans ta mère nos amours
cellulaires
Le mal qui la surprend
du fond des âges
en traversant ses yeux l’éclaire
Elle va elle vient,
elle ne tient plus en place
Elle multiplie l’écho de tes roulades internes
D’où viens-tu, par le haut par le bas
elle ne sait pas, tu viens
regarder cent fois la montre
mesurer avec elle
les pas de la douleur
Eau chaude sur la planète de son ventre tendu
eau chaude pour ma bien aimée
Elle s’accroupit elle crie à l’infini
le seul mot juste
«mon amour»
en me broyant la main.
et tutoyant son inquiétude
elle me confond, à tenir l’horizon ouvert
Par toi elle accomplit la femme
jeune errante
générante et généreuse
un peu plus, et plus loin
quand l’homme ne peut
que compter, répondre et ne rien demander
*
Le plus grand théâtre du monde
c’est le sexe de ta mère
Toi derrière ses lèvres
comme un mot qui se cherche
On t’attend
Elle t’appelle
dans ses cris
Elle s’ouvre comme un livre
Tu l’ouvres, en dormant paraît-il
elle crie et toi tu dors encore
Ce mot «bébé»
qu’elle te donne, par quoi elle te somme de venir
bégaiement de la vie
béance de toi toute occupée
grognement d’ourse qui te pousse
avec la force d’un fleuve ancien
Là. Tu es là
L’obus de ta tête
mon Dieu, ton crâne
et ta plainte intime
Je n’ai pas tout vu
j’étais derrière
dans le dos de ta mère
Mais maintenant cet œil
débarqué du mystère
l’œil bleu profond du voyageur
grand ouvert au dedans
qui nous regarde
est-ce nous qu’il regarde ?
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