Gérard Macé
Tambours debout
Notes
Vignettes de Michel Danton
2022. 96 p. 14/19.
ISBN 978.2.86853.683.9
18,00 €
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Le livre
«C’est dans l’espace réservé aux morts qu’on a planté des
Tambours debout.
Des tambours à fente, taillés dans des fûts qui ne donneront plus ni fleurs ni feuilles, et qu’on décore au ciseau à bois. Des gens de la ville nous ont demandé s’il y avait des poteaux «mâles» et des poteaux «femelles», des étrangers voulaient à tout prix que nos tambours renvoient aux origines, à un mythe oublié dont nos vieillards réciteraient encore des bribes…»
Des accents d’utopie (peut-être même, par moments, de dystopie) colorent ces pages. Conçues en un bref ensemble de notes, écrites avec une grande liberté, elles se se distinguent de la production habituelle de l’auteur par une légèreté, une fantaisie, un humour qui peuvent surprendre. C’est là un petit livre qui ne se soumet qu’au caprice du rêve et à la poésie de la pensée sans entraves.
L’auteur
Gérard Macé est né à Paris en 1946. Depuis son premier livre, Le Jardin des langues, paru en 1974, il a édifié chez Gallimard, au Promeneur, au Bruit du temps et aux éditions Le temps qu’il fait, une œuvre considérable par sa singularité et sa cohérence. Des livres brefs, souvent à la frontière de la poésie et de l’essai où, mêlant l’érudition à la rêverie, il approfondit sans cesse les mêmes thèmes fondamentaux : l’acquisition ou la remémoration de l’écriture ou d’une langue à jamais perdue (Leçon de chinois, Le Dernier des Égyptiens), la recherche du secret que recèlent les traces d’une mémoire engloutie dont les contes ou les rêves sont souvent les meilleurs dépositaires (Bois dormant, Les Trois Coffrets). Ces dernières années, Gérard Macé est revenu à la forme du poème (Promesse, tour et prestige, 2009) en même temps qu’il nous donnait, sous le titre général de Pensées simples, des recueils de réflexions, notes de lecture, souvenirs et anecdotes.
Extrait
Les habitants du Setomaa élisent un vice-roi. Ce curieux mélange du principe monarchique et du processus électoral illustre le fait que, dans les sociétés humaines comme dans la nature, toutes les hybridations sont possibles, sans parler des hasards et des accidents.
Ce qui est remarquable en l’occurrence, c’est l’absence de roi. Ce vide qui laisse la place à un dieu introduit du jeu dans l’espace social, du mou dans l’organisation politique, comme un antidote à la toute-puissance.
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Avant de décider quoi que ce soit, les Anciens chantent toute la nuit, jusqu’à l’épuisement.
Trop d’énergie, comme trop de sang frais, leur ferait prendre des décisions trop brutales.
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«J’avoue qu’il m’arrive de casser un bol, ou une assiette, pour avoir l’impression qu’il se passe quelque chose».
Autrement dit, le malheur plutôt que rien. Cette phrase saisie au vol résume la condition humaine, mais sans emphase. Pas la peine d’enfoncer des portes ouvertes, quand on a de la vaisselle entre les mains.
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