Parution Janvier 2019
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Michel Danton |
Le livre |
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L’auteur
Michel Danton, né en 1952, a connu une brève enfance algérienne. Il vit et travaille en Gironde. Il a fréquenté une école des beaux-arts, participé à quelques aventures théâtrales en tant que scénographe et auteur, pratiqué une activité de graphiste et d’illustrateur, essentiellement au service du théâtre, de la musique et de quelques éditeurs. Peintre, marqué dans sa jeunesse par Asger Jorn, il s’éloignera lentement de cette véhémence pour jouer, déjouer, travailler sur, avec, dans l’écriture. Durant une quinzaine d’années, il explore son propre rapport ambigu aux signes, aux lettres, en élisant son motif : un article sur la rose extrait d’un manuel de sciences naturelles. Glaneur de papiers «d’occasion», il les réutilise, les assemble par des coutures par goût autant que par nécessité technique. Des séries aux caractéristiques formelles renouvelées émaillent ce lien exclusif. |
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Tirage de tête : 21 ex. numérotés, accompagnés d'une peinture originale au format du livre, signée par l’auteur. 190,00 € |
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Extrait
Les micros gestes de l’écriture sténographique sont réduits, le dessin des signes semble répondre inlassablement à la même question : peut-on encore abréger pour les traces, et son corollaire : aller plus vite pour les gestes. Ces contraintes génèrent une forme unique d’écriture stigmatisée dont les commodités de tracé et les facilités d’enchaînement déterminent la marche. Les risques d’inintelligibilité bornent ce processus de réduction. Pour ces mêmes raisons, mis à part de brefs et peu fréquents renforcements d’épaisseur des traits (intervention signifiante pour une certaine école, il faut le préciser), l’écriture sténographique n’a donc ni pleins ni déliés suivant la vieillotte et sympathique formule scolaire. Est-ce ce seul défaut de modulation du trait qui suggère plutôt une addition d’artifices hétéroclites, produit l’impression peu plaisante d’un exercice vide ? Si la famille des «échelles» ou des signes dits scalaires est peu ou pas sollicitée en sténographie, arcs, boucles, cercles, points, segments divers qui la constituent, participent aussi à la combinatoire de toutes les autres écritures. Ce bagage plastique, commun aux nombreux systèmes rudimentaires ou complexes, offre souvent une harmonie graphique. Grâce à une cohérence gestuelle en partie déterminée par les caractéristiques physiques (dureté, souplesse, résistance, porosité, etc.) de leurs supports respectifs (écorce, cuir, bois, argile, marbre, etc.). De ce point de vue, la sténographie ne peut être qu’un «fruit» du papier. Parmi les centaines voire milliers de systèmes qui existent, rares sont ceux qui négligent la force du trait. Les lettres gothiques ou les idéogrammes extrême-orientaux illustrent exagérément mon propos, néanmoins leur balancement, cette respiration du maigre et du gras va au-delà d’une affaire de gestes et d’outils. Quand le trait lui-même semble produire son propre renouvellement, quand la succession, même répétitive, de différences de postures de la main : montante, descendante, créent des nuances dynamiques, associées à la pression et à la vitesse… Ces minuscules modifications engendrent une perception discursive. Le pendule qui bat du «plein» au «délié», du gras au maigre, pour chaque lettre nourrit une trace riche et active. Celle d’un monde foisonnant qui ouvre un large faisceau d’analogies. Enfin, le mode graphique de la sténo a renoncé au rythme des modestes cimes et abîmes créés par l’alternance des hampes montantes ou descendantes. Cette allergie aux verticales, au-dessus ou sous la ligne, donne vite aux travaux sténographiques l’allure d’une écriture qui va «ventre à terre». Matière de signes, modifiée, aplatie, sous la pesanteur du temps compté. |
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Du même artiste, à nos éditions : Enluminures pour Louis Guilloux Avantage de l’ignorance |
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