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Pascal Commère
Le petit cheval d’Ostrava
Prose
2011. 40 p. 13/17.
ISBN 978.2.86853.578.8
6,00 €
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Le livre
Un bref récit, inspiré à l’auteur par la «visite» d’une ville de l’Est, grise, pluvieuse, mélancolique et son emblème caracolant qui est aussi, mais d’une autre manière, l’emblème de son enfance…
L’auteur
Pascal Commère est né en 1951 dans un bourg de Côte d'Or où il vit et travaille, sillonnant la campagne. Tiraillé dès l'enfance entre les mots et les chevaux, il a bien failli devenir jockey comme son père, tué à l'entraînement alors qu'il avait six ans.
Christine et Zoé à ses côtés, il se consacre aujourd'hui à l'écriture. Prose et poésie s'alternant, la vie même. Il collabore régulièrement à quelques revues, notamment la N.R.F. au temps de Jacques Réda, Théodore Balmoral, Conférence. Il est membre du comité de la revue en ligne Secousses (qui a pris la suite électronique du Mâche-Laurier).
Extrait
M., ne répondant pas au téléphone c’est elle qui doit nous piloter , nous nous rabattons sur Jana. Efficace, comme de juste. Deux minutes après, M. rappelle. Elle nous attendait sur le parking de l’hôtel.
On se présente, et après un café de bienvenue nous voilà partis vers le centre, ainsi qu’elle le suggère. Quelques zonards aux abords, couvertures au sol et des chiens. Puis une librairie ouverte par chance. L’aubaine à ne pas manquer ! Ne fût-ce que pour ces petits carnets (lignes horizontales imprimées large) qu’on ne trouve que dans les pays par ici et dont je fais provision chaque fois qu’il m’en est donné l’occasion. Nous marchons. Verbe qu’on conjuguera bientôt à divers temps, et selon des durées qui varient, prenant en compte la répétition de passages qui se chevauchent et l’ennui qui en naît, au point de ne pas se dessaisir du vertige propre à qui arpente les mêmes rues, ou peu s’en faut, tourne en rond. Ce qui n’est somme toute qu’une impression, due pour l’essentiel à la grisaille des façades fermées qui se suivent et se répètent sous la pluie. Quand ce ne sont pas les arbres poussiéreux et leur feuillage, pris d’une sorte de langueur. Pour preuve, le square que nous traversons. «Ancien cimetière juif» dit M. à voix basse, dans un français presque sans accent mais elle rentre du Midi il est vrai. Pour le reste, deux ans à l’Université dit-elle, sa jeune sœur apprenant elle aussi le français.
À cela s’ajoute, qu’on ressent presque aussitôt, l’atmosphère de mélancolie propre aux villes de l’Est et que renforcent, un jour de fermeture des magasins, les vitrines éteintes, rideaux tirés. Chaussures, sous-vêtements vides, parures de l’ombre. Quelque chose gris. À quoi l’on reconnaît à tout coup une ambiance Mitteleuropa comme on dit ; cet aspect délaissé qui n’est pas sans évoquer la province ce qu’on entend par là. Ostrava. Troisième ville du pays, et quelque trois cent vingt mille habitants pourtant. Elle dit : «Le centre ville était tenu par les communistes».
Ce qu’on ressent alors, je ne sais trop. Ou si l’on se méfie des jugements hâtifs, et selon quels critères la norme quelle est-elle ? Essayant en marchant de comprendre, sans raison, celle qui nous a poussés à rester ici un jour de plus, sous la pluie. Qui redouble à l’instant. Alors qu’on aperçoit (de loin elle la désigne) la façade du théâtre où aura lieu tout à l’heure la lecture. On marche. Sans autre but que meubler le temps qui nous sépare du rendez-vous. À partir de quoi on oubliera et l’attente et le gris, la pluie comme par hasard. Un homme est là qui dit avoir passé quelques années en France, traduit en tchèque pas mal de chansons de Brel et Brassens. Plus un livre de Deleuze, il ajoute. Je cherche un lien possible. Une jeune femme fait des crêpes dans la pièce en entrant. Elle sourit.
C’est alors qu’une affiche au mur derrière elle retient mon attention. Ostrava !
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