Parution Avril 2004


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Gérard Farasse
Belles de Cadix et d’ailleurs


Proses
2004. 120 p. 14/19.
ISBN 978.2.86853.392.0

14,00 €

Le livre

Éros, l’enfant joueur, le petit dieu ailé — et volage — fait flèche de tout bois. Peut-être est-ce cela, écrire : décocher des traits pour faire entrer les objets dans la ronde, dans le monde. Ils apparaissent; ils disparaissent. Ils sortent des coulisses; ils y retournent. Trois p’tits tours et puis s’en vont. La scène ne reste jamais longtemps vide. Il y en a tant et tant qui ne demandent qu’à occuper la place de l’objet désirable.
Sans doute est-ce pourquoi ce livre déborde. Il dé-borde de femmes, comme autant d’intensités que les mots ont sauvées : une belle ténébreuse, sainte Blandine, la femme-reptile, une voyageuse, sainte Thérèse (de Lisieux, hélas), une chinoise, Diane, la Felice de Franz Kafka, la Vierge Marie (trois fois, comme il se doit), Fréda, une hôtesse de l’air, Aziyadé, une joueuse de cerf-volant, la timbalière Aïko, sans oublier, bien sûr, la belle de Cadix. Toutes celles qui peuplent le monde, en somme. Sur la terre comme au ciel.



L’auteur

Gérard Farasse est né à Roubaix le 30 juillet 1945. Professeur de littérature à l’Université du Littoral-Côte d’Opale, il a animé pendant plusieurs années le laboratoire «Modalités du fictionnel» et co-dirigé la Revue des Sciences Humaines pour laquelle il a composé des numéros sur Philippe Jaccottet, Jean Follain, Gérard Macé. Connu pour ses travaux sur Francis Ponge (L’âne musicien, Gallimard, 1996), dont il a contribué à éditer les Œuvres complètes dans la Bibliothèque de la Pléiade, il est l’auteur de plusieurs essais littéraires parmi lesquels Amour de lecteur, Lettres de château (Presses du Septentrion, 2001 et 2008). Également écrivain, avec Exercices de rêverie (L’Improviste, 2004), puis Belles de Cadix et d’ailleurs (2004), Pour vos beaux yeux (2007) et Collection particulière (2010), «petites proses» parues au Temps qu’il fait, il signe aussi plusieurs textes pour des livres d’artistes : Rose Goret (Anakatabase, 2005), Fil d’horizon (La Canopée, 2009), Normales saisonnières (Le Rosier Grimpant, 2011).
Gérard Farasse s’est éteint le 28 septembre 2014, quelques heures après avoir pris connaissance des dernières épreuves de L’Égyptienne couchée. Il nous laisse une œuvre subtile et singulière, dont les notes — de tête, de cœur et de fond — sont celles d’un grand sillage.



Extrait


À mon père, amputé d’une jambe, on avait appris, par dérision sans doute, le métier de cordonnier, qu’il n’exerça jamais. Il s’occupait de réparer les chaussures familiales, réputées coûteuses, avec un soin tout particulier. Le vocabulaire du métier, dont je n’ai pas l’usage, me reste. Je sais ce que c’est que forme, embauchoir, semence, empeigne, alêne, tranchet. Vêtu d’un tablier bleu à large poche, les lèvres pincées sur les semences, il se penche dans mon souvenir vers la chaussure qu’il a retournée sur le pied de fer pour la ressemeler. C’est un partisan du cloué plutôt que du cousu. Le Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle de Pierre Larousse fait état de la controverse qui oppose les tenants de l’un ou l’autre style dans son article cordonnerie. Mais il utilise aussi l’alêne pour recoudre les cartables, début octobre : il ne néglige jamais de bien empoisser son fil en lin très résistant. Il renforce les talons en les bordant de fers en croissant de lune plus lumineux que l’astre. Quel plaisir de freiner des quatre fers afin de racler les pavés et d’en faire jaillir des gerbes d’étincelles ! Chaque soir, il fallait cirer les chaussures obscures qui ne retrouveraient leur éclat qu’au lever du jour. Elles étaient éternelles. J’entretiens avec l’odeur du cuir — si forte, presque suffocante — une complicité qui date de l’enfance. Mon père aimait à rappeler que, jeune homme, il en avait usé, des chaussures, à tourbillonner jusqu’au matin dans les bals de Cambrai et des alentours.
Il aurait aimé que je sache danser.

Autres titres du même auteur :

Pour vos beaux yeux
Collection particulière
L’Égyptienne couchée