Jean-Loup Trassard
Les derniers paysans
Textes & photographies
2000. 96 p. 20/23.
ISBN 978.2.86853.321.0
29,00 €
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Le livre
«Avant de nourrir des bovins, de fauciller les ronces sur les talus, de reclouer les barrières, il y eut le jeu pas si loin, une cinquantaine d’années qui consistait à installer une ferme, chaque jour une nouvelle ferme, contre les racines des tilleuls, sur la terrasse, ou dans un coin cendreux de la cheminée. Aujourd’hui que disparaît l’agriculture traditionnelle, deux poignées de petits sujets descendent du grenier où ils attendaient la résurrection. Posés dans la cour d’une ferme, sur le sable que tassent pas et roues, contre les pavés polis autrefois par les fers des chevaux, ils s’y reconnaissent tant qu’il est insupportable de les mener ailleurs.
L’auteur s’est servi de ses propres jouets, conservés depuis une cinquantaine d’années et qui, au même titre qu’une enfance rurale, ont peut-être déterminé une passion pour les fermes et l’agriculture, manifestée dans ses écrits comme par son élevage actuel de vaches Maine-Anjou. La démarche est à la fois d’humour et de tendresse. Humour parce qu’il s’agit de jouets qui font les gestes de la vie sans que leur socle vert soit même dissimulé (c’est un jeu proposé à l’œil du spectateur). Tendresse parce qu’on devine devant ces photographies la connaissance précise et l’affection profonde pour la vie agricole d’un photographe penché au ras de petits personnages occupés à leur besogne et que son déclic anime au lieu de les figer.
L’auteur
Jean-Loup Trassard est né à la campagne, l'été 1933. Il publie pour la première fois dans la N.R.F. en 1960 puis, à partir de l'année suivante, plusieurs récits chez Gallimard. Outre quelques livres de proses, nous avons publié dans la série «Textes & Photographies» Territoires (1989), Images de la terre russe (1990), Ouailles (1991), Archéologie des feux (1993), Inventaire des outils à main dans une ferme (1981 & 1995), et Objets de grande utilité (1995).
Extrait
«Ronflements du tracteur, meuglement des étables, pépiement au bord des ardoises, le chien rôde, les poules s’interrogent sur le caractère mangeable d’une si petite humanité, au milieu : fermières et fermiers, ou marchand, journalier, forgeron, les mains juste tirées des poches, empoignent les outils et, à l’instant, distribuent autour d’eux un espace agricole. Qui veut plier son corps découvre l’étendue nouvelle et tout de suite perçoit un autre temps, celui qui règne dans l’air et sur l’espace reconstitué des fermes. Le moindre objet annonce une durée, ses avant et après, le précaire des tâches inachevées se fait presque éternel, les muettes petites bouches viennent de se taire. C’est ce temps que je prélève, des soixantièmes de seconde de bonheur agricole. Et les instantanés transforment l’immobilité en gestes.
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Le fort des labours se fait en octobre il y en a encore au printemps afin qu’à la Toussaint le blé soit semé.
La profondeur se règle selon la culture prévue.
En cas de terre sèche durant l’automne, l’usure des socs, la peine des chevaux, peuvent augmenter du simple au double. |
Le plus souvent à trois semaines ou un mois les veaux sont enlevés à leur mère, envoyés dans de lointains collèges.
Leur sort y sera lié aux formes que voudra bien prendre leur corps.
Il est rare, par contre, que soit permis à la vache d’assister au départ.
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Un petit toit sur quatre piquets, une planche au bord du ruisseau: le lavoir (appelé «douet») est toujours dans un fond de prairie, aussi la patronne demande-t-elle au commis de remonter sa brouette de lessive après le rinçage à l’eau claire.
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Sans attendre que l’hiver fasse les chemins trop boueux, il est sage de rentrer le bois abattu, dès les feuilles tombées, en automne, fagots et triques, issus des branches sur les talus.
Dans les plus creux chemins, en effet, la haute roue du tombereau s’enfonce presque jusqu’au moyeu. |
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